A l’occasion de la Journée Portes Ouvertes du lycée Louis Bascan, vous êtes tous conviés au débat philosophique qui aura lieu samedi 24 mars 2018 de 10h30 à 11h30 (au CDI, bâtiment F, 1er étage)
Avons-nous besoin des intellectuels ?
Cette question rejoint le thème qui avait été choisi pour le débat, l’année dernière ; nous nous demandions alors de quels citoyens la démocratie a besoin, et cette interrogation en appelait une autre : qu’entendons-nous par « démocratie » ?
Certes, une démocratie saine, rompue à la discussion et à la décision mûrie, pourrait considérer les intellectuels comme des personnages extravagants, qui se sont souvent trompés, qui prennent position à tort et à travers, et de façon égocentrique (en reprenant, comme J. Benda, la formule altière : etiam si omnes, ego non).
Essayons brièvement de définir l’intellectuel, comme le faisait récemment Jürgen Habermas : l’intellectuel veut mettre en avant la pertinence de son jugement, envers et contre tous, il fait preuve d’imagination pour proposer des alternatives, et il a le courage de protester (Le Monde des Livres, 21.02.2018).
Ou bien, avec les mots savants remis au goût du jour par Michel Foucault : les intellectuels sont des « parrèsiastes » qui, disant la « vérité », « s’exposent eux-mêmes […] à payer un certain prix, pour l’avoir dite » (Le gouvernement de soi et des autres. Cours au Collège de France. 1982-1983).
À vrai dire, le citoyen démocratique lui-même est censé réfléchir de façon autonome, avoir inclus l’intérêt général dans ses préoccupations, et savoir dire ce qu’il pense. Pourquoi donc devrait-il écouter des intellectuels ?
Mais voilà : confronté à des discours passéistes, ou utopistes, tantôt idéologiques ou technocratiques, le citoyen contemporain se détourne du débat politique.
D’un autre côté, les intellectuels sont des figures familières de l’histoire de France. Chacun pourra citer en une kyrielle de noms ceux qui, dans l’histoire de France, ont marqué leur époque : Hugo, Zola, Sartre, Camus, Aron, etc.
Or aujourd’hui, nous ne voyons plus quelle place ou quelle fonction pourraient avoir des intellectuels.
Celles et ceux qui se hasardent à élever la voix, se heurtent alors à de redoutables obstacles : non seulement ils se heurtent à la méfiance généralisée des citoyens pour la politique (au profit de l’économie et des affaires privées), mais aussi au déficit de crédibilité des discours progressistes (du fait des « dégâts » du progrès technique et de la disparité persistante des cultures), et à la captation de la communication par des appareils médiatiques envahissants.
La vie intellectuelle expose vraiment les audacieux, lorsqu’ils donnent leur opinion, à la caricature et aux aléas de la polémique : on ne peut donc exiger de quiconque un tel sacrifice…
« Ça m’agace qu’on fasse de ce mot une insulte », disait un personnage de Simone de Beauvoir, dans Les Mandarins (1954).
Désormais, d’ailleurs, plus d’un historien diagnostique simplement une « disparition » de l’intellectuel français. Est-ce parce que la vérité n’a plus besoin d’eux pour apparaître ?
Débattons-en ensemble !
É. Akamatsu, Professeur de philosophie