Mois du voyage au CDI

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Venez découvrir une littérature aventurière.


Avec l’arrivée des beaux jours, l’envie de bouger vous (re)-prend ?

Offrez vous un voyage gratuit dans l’espace mais aussi dans le temps grâce à la littérature : traversée du grand Nord à pied et en canot avec Samuel Hearne, retraite dans le Désert avec Henry de Montfreid, traversée de l’ Amérique profonde en voiture, de motel en motel avec Bill Bryson, randonnée à dos d’âne dans les Cévennes avec Stevenson ou encore tour du monde avec Bougainvilel …

Vous n’aurez que l’embarras du choix !

En avant-goût de ce périple, voici un aperçu de ce que vous pourrez découvrir au CDI.

Le récit de voyage

« Le voyage est un retour vers l’essentiel » (proverbe tibétain)

« Tout bien considéré , il n’y a que deux sortes d’hommes dans ce monde
: ceux qui restent chez eux et les autres » (R. Kipling)

Peu d’écrivains ont su résister à la tentation du « récit de voyage ».

Certains sont devenus écrivains parce que voyageurs, et n’ont pratiquement produit que ce type d’écrits , comme Henry de Monfreid (Les secrets de la mer Rouge) ou Paul-Emile Victor, aventuriers ne cherchant pas vraiment à « faire de la littérature » mais plutôt à partager leur expérience.

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D’autres se sont illustrés surtout dans des œuvres de fiction et l’on oublie parfois leurs magnifiques récits de voyage au ton très personnel : Gérard de Nerval, Stendhal, Victor Hugo, Paul Morand .

D’autres enfin, plus proches de nous, se présentent non comme des aventuriers ni même comme des écrivains mais plutôt comme des hommes en quête d’eux-même et de l’Autre, pour qui le voyage est une initiation, une quête de sens dans un monde sans repères : Nicolas Bouvier, Michel Le Bris , Sylvain Tesson, Bernard Ollivier qui entreprit une longue marche de trois ans le long de la route de la soie.

Pourquoi voyager ?

 Découvrir :

Tous ces auteurs ont un point commun cependant : ils voyagent non dans un but précis mais par curiosité, désir de nouveauté, quête de changement (de lieu, de mode de vie, de culture).
La confrontation à l’altérité et à la différence est l’essence même du voyage.
C’est en cela que l’écrivain voyageur se distingue du touriste « consommateur » qui cherche à retrouver dans le pays visité le même confort et la même culture que chez lui, ou qui choisit un voyage « sur mesure » standardisé au lieu de se créer son propre voyage : un vrai voyage est forcément un peu désorganisé, il doit bousculer les habitudes, laisser une place à l’imprévu et à la rencontre. « Se frotter au monde ».
Un monde qui apparaissait encore comme « barbare » aux voyageurs du 18ème siècle (Bougainville), mais Montaigne avait bien compris que « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas son usage » (Des Cannibales)

« Chaque fois que je me rends dans un endroit où je en suis encore jamais allé, j’espère qu’il sera aussi différent que possible de ceux que je connais déjà. Je précise qu’il est naturel, de la part d’un voyageur, de rechercher la diversité et que l ‘élément humain est ce qui donne le plus le sens des différences. » (Paul Bowles, Leurs mains sont bleues)

 Se détacher :

En acceptant l’errance tel le « bateau ivre » d’Arthur Rimbaud , l’écrivain non seulement découvre une autre contrée mais aussi la liberté: le voyage représente alors une véritable rupture d’avec les attaches du quotidien.

Kerouac

Jack Kérouac , écrivain américain fut l’initiateur du mouvement « beatnik » dans les années 1960 (Sur la Route, Les Clochards célestes).
Il s’agissait de voyager par refus de la société de consommation fondée sur la possession matérielle, mais aussi d’inventer une nouvelle littérature plus proche du réel.
Ce mouvement des « travel writers » fut très vivant dans les années 1970 aux EU et en Europe (Bruce Chatwin, Victor Segalen ..). Le voyageur affirme son indépendance, sa liberté , s’éloigne du « troupeau »

 (Se) changer :

Ce n’est pas seulement une contrée différente que le voyageur découvre mais aussi et surtout une part de lui-même à laquelle son univers quotidien ne lui avait pas permis d’accéder : le récit de voyage est souvent proche du récit initiatique, où le narrateur accepte de remettre en question ses certitudes et de tester ses limites…( et comme toute initiation le voyage comporte des épreuves )

« Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait » (Nicolas Bouvier). Bref, on n’est pas le même avant et après un voyage …

 Trouver l’inspiration :

Ces découvertes extérieures et ces mutations intérieures sont propices à nourrir l’inspiration , de sorte que certains, comme Gilles Lapouge, avouent voyager pour écrire : « On marche dans une bibliothèque et le bout du monde est un incunable. Toute pérégrination est livresque de part en part » (interviewé dans le Magazine Littéraire 432 de juin 2004)

Et pour mille autres raisons :

 Oublier (un chagrin d’amour, un drame),

 Prier (récits de pélerins)

Et même :

 Vaincre la mort :

En 1974 ; le cinéaste Werner Herzog apprend que son amie est très malade : il décide de se rendre auprès d’elle à pied de Munich à Paris, dans un geste chevaleresque d’amour fou, avec la certitude que cet acte, tel un pèlerinage d’amour, la sauvera …il en tire un magnifique récit unique en son genre : Sur le chemin des glaces

Comment relater ?

Le récit de voyage est un texte par lequel un auteur nous fait partager ses impressions de voyage.
Il a ceci de particulier qu’il est censé être fidèle à la réalité, « autobiographique », authentique. Son côté « vécu » fonde sa légitimité.
Mais pour accéder au rang de texte littéraire, il doit aller au-delà de la simple description. Ce qui prime dans le récit de voyage, ce n’est pas la destination mais bien le regard de l’auteur, un regard dépourvu de préjugés et empli de curiosité. On en apprend autant sur l’auteur et sa sensibilité que sur le pays traversé. Par le récit de voyage, l’écrivain opère une sorte de mise à nu, parfois surprenante chez des auteurs comme Stendhal (Mémoires d’un Touriste)

Le récit de voyage peut prendre une multitude de formes :

 Récit journalistique (New-York, de Paul Morand, Oasis Interdites d’Ella Maillart, Motel Blues de Bill Bryson …), où l’écrivain cherche à rendre de façon vivante l’esprit du lieu traversé

 Récit ethnologique (Tristes Tropiques, de Claude Levi-Strauss)

 Récit documentaire, scientifique (Bougainville, Voyage autour du Monde, Marco Polo..)

 Lettres, correspondances (Georges Sand Lettres d’un voyageur)

 Journal ou carnet de route (forme qui sied bien au thème du voyage) : Albert Camus, André Gide, Werner Herzog*

 Texte poétique (Prose du transsibérien, de Blaise Cendrars, Ecuador, d’ Henri Michaux, qui est un journal de voyage émaillé de poèmes)

Blaise Cendrars , le poète voyageur … Prose du transsibérien.

« En ce temps-là, j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d’Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j’étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu’au bout »

Petite histoire du genre

Le récit de voyage est aussi vieux que la littérature et n’a pas attendu l’ère du tourisme de masse. Impossible d’énumérer tous ceux qui ont été écrits. On peut retenir quelques essentiels, ayant marqué leur époque.

  • Vème avant Jésus Christ :

Hérodote, historien grec, est considéré comme le premier écrivain voyageur, dans la mesure où, avec ses fameuses « Histoires », il voyage non pour faire la guerre ni commercer, mais en historien, pour recueillir des informations sur des peuples voisins.

  • Moyen-Age :

Xème siècle : nombreux récits de voyage écrits par des arabes, dont Ibn Fadlan et Ibn Hauqal

XIIIème siècle : l’italien Marco Polo entreprend son voyage vers la Chine et écrit Le devisement du monde en 1298 (parfois aussi appelé Le Livre des merveilles)

XIVème siècle : un des premiers récits d’alpinisme, L’Ascension du Mont Ventoux par l’italien Pétrarque en 1336.

  • Renaissance : (16ème siècle)

Grande époque des voyages et des explorateurs, à la suite de Christophe Colomb :

 Henri Cortès La Conquête du Mexique

 Jacques Cartier Voyage au Canada

  • 17ème et 18ème siècle :

Désir de comprendre le monde. Le Voyage participe à l’éducation de l’honnête homme

Tradition du « Grand Tour » chez les anglais : voyage à travers l’Europe (France, Suisse, Italie) pour compléter l’éducation des jeunes nobles. Le voyage est en vogue .

 Laurence Sterne écrit son « Voyage sentimental en France et en Italie » au milieu du 18ème.

Vogue des tours du monde par de grands explorateurs :

 James Cook (1728-1779), Bougainville (1729-1811) et La Pérouse (1741-1788) écrivent chacun leur « Voyage autour du monde ».

Bougainville

 Bougainville part de Saint-Malo , jusqu’aux malouines, puis remonte vers la Chine par Tahiti.

 James Cook, anglais, voyagea dans le Pacifique Sud et découvrit la Nouvelle Zélande et Hawaï.

Découverte du grand Nord :

Samuel Hearne Le piéton du Grand Nord (Première traversée de la toundra canadienne, 1762-72)

  • 19ème siècle :

Essor du voyage « pittoresque », goût des Romantiques pour les visions de ruines, monuments, paysages … l’écrivain cherche à rendre le côté pictural des paysages traversés :

 Stendhal : Mémoires d’un touriste

 Fr. R. de Chateaubriand : Itinéraire de Paris à Jérusalem. Voyage en Italie.

 A.Dumas : Impressions de voyage

 V. Hugo : Le Rhin

 G. Flaubert : Voyages : Flaubert s’applique à décrire ce qu’il voit sans parti pris

Découverte de l’Orient, fascination pour l’Egypte et le désert :

 Lamartine : Voyage en Orient

 Nerval : Voyage en Orient ( Nerval refuse la description systématique des lieux au profit d’un narration « excentrique »)

 Gustave Flaubert ; Voyages ( Italie, Egypte, Grèce .. avec un regard nouveau : observer sans évaluer, comprendre sans juger …)

 Théophile Gautier : Constantinople

 Eugène Fromentin : Un été dans le Sahara

 Charles Doughty ( anglais) : Arabia Deserta . (1888) Récit d’une longue errance parmi les campements bédouins, à ma recherche de sites bibliques ou géologiques.

Pierre Loti : Le désert « il n’y aura dans ce livre ni terribles aventures, ni chasses extraordinaires, ni découvertes, ni dangers, non, rien que la fantaisie d’une lente promenade, au pas des chameaux berceurs, dans l’infini du désert rose » (Peut être le premier récit de voyage « moderne »)

  • 20ème siècle :

L’apparition de la photographie et du cinéma ont modifié la fonction du récit de voyage : il ne s’agit plus de « faire voir » mais surtout de « faire ressentir » et « comprendre », et parfois de dénoncer certains excès.

Le voyage, banalisé par les nouveaux modes de transports, n’est plus un exploit en soi (excepté pour les milieux hostiles : montagne, avec les récits de Frison-Roche, Désert avec Théodore Monod, Antarctique avec Paul-Emile Victor) D’où l’importance du style et de l’originalité du récit.

 Victor Segalen . Les Immémoriaux (1907) ( Polynésie) : à vingt-cinq ans, Segalen, médecin de la Marine française, débarque à Tahiti. Le diagnostic s’impose à lui : confrontée à la venue des  » hommes à la peau blême , la culture maori se meurt. Dès lors, le poète s’emploie à recueillir les derniers et plus éclatants témoignages de cette civilisation

 André Gide Voyage au Congo (1926) : la description des conditions de vie des noirs dans les possessions françaises de l’Afrique équatoriales fait l’effet d’une dénonciation. .

Paul Morand : New-York (1930) : éclatant portrait d’une ville fascinante!

Nicolas Bouvier. L’Usage du monde, 1954, véritable bréviaire pour les écrivains voyageurs d‘aujourd’hui : récit d’un voyage à travers le Moyen-Orient.
« Fainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations ». le voyage est avant tout, pour lui, un état d’esprit

Bruce Chatwin ( : Le Chant des pistes (Australie) , En Patagonie (1977. Eternel nomade il considère que « le vrai domicile de l’homme n’est pas un maison mais la route, et la vie elle-même est un voyage à faire à pied »)

Chatwin

A l’ère de l’automobile et des avions, la marche devient un choix de vie, une philosophie : …

Sylvain Tesson : à découvrir, cet écrivain épris des grands espaces russes a longé à pied pendant des mois le trajet des oléoducs..
Eloge de l’énergie vagabonde

Bernard Ollivier : entre 1999 et 2002 il entreprend de marcher depuis Istanbul jusqu’à Changan (Chine) le long de la mythique route de la soie.. il en tire un long récit, Longue Marche, : mieux qu’un récit de voyage, un itinéraire à la rencontre de l’autre

A ne pas oublier : quelques « écrivaines voyageuses » injustement méconnues.

Sybille Bedford : Visite à Don Otavio : Tribulations d’une romancière anglaise au Mexique

Ella Maillart : Oasis Interdites (1935 ; traversée de la Chine vers les oasis interdites du Sinkiang)
Pour en savoir plus sur Ella Maillart : http://www.ellamaillart.ch/bio_fr.php

Isabelle Eberhardt (1877-1904) qui a fui son milieu d’origine (suisse) pour le désert Algérien . Amours nomades .

Isabelle Eberhardt

En espérant que cette introduction vous donnera envie d’embarquer pour un voyage littéraire … pratiquement tous les ouvrages cités dans cet article sont disponibles dans votre CDI grâce à une récente acquisition et un important don de livres de Mlle Amiot (professeur de lettres) que nous remercions chaleureusement en passant.

Florence Dombrowski, documentaliste.

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Publiée par Lycée Louis Bascan – page officielle sur Lundi 27 mai 2019